MARY REICHARD, ANIMATEUR : Nous sommes le jeudi 19 septembre.
Nous sommes heureux que vous nous ayez rejoint pour l'édition d'aujourd'hui de Le monde et tout ce qu'il contientBonjour, je suis Mary Reichard.
MYRNA BROWN, ANIMATEUR : Et je suis Myrna Brown.
Tout d’abord, une nouvelle façon de dissuader la guerre.
Mardi et mercredi, des milliers de personnes ont été blessées et au moins 14 tuées après l'explosion de téléavertisseurs et de talkies-walkies électroniques dans le sud du Liban. Le groupe terroriste Hezbollah avait acheté ces appareils il y a plusieurs mois.
Que signifient ces attaques pour Israël et le Moyen-Orient ?
REICHARD : Enia Krivine nous rejoint à présent. Elle travaille pour la Fondation pour la défense des démocraties et est directrice principale du réseau pour Israël, les programmes et la sécurité nationale.
Enia, bonjour.
ENIA KRIVINE : Bonjour. Merci de m'avoir invitée.
REICHARD : Je suis ravi que vous soyez là. Commençons par mettre les choses en contexte. Avant les événements de cette semaine, quelles étaient les tensions entre Israël et le Hezbollah ?
KRIVINE : Israël et le Hezbollah sont au milieu d'un conflit qui dure depuis près de 12 mois, sur fond d'années de tensions, et ce que nous avons vu au cours de la semaine et des jours passés est une sorte de crescendo où les deux parties ont fait un pas de plus vers ce qui pourrait être une guerre totale.
REICHARD : Le mot d'ordre du jour semble être l'escalade. Je me demande en quoi ces explosions profitent à Israël, d'un point de vue stratégique ?
KRIVINE : Après les attaques du 7 octobre 2023, lorsque le Hamas a envahi les communautés frontalières du sud d’Israël et massacré 1 200 personnes, Israël a déclaré la guerre. Et le lendemain, le 8 octobre, le Hezbollah a également commencé à attaquer Israël depuis le nord. Onze mois plus tard, Israël a évacué des dizaines de milliers de personnes de leurs communautés du nord, et plus d’un million de personnes vivent sous les tirs intermittents de roquettes du Hezbollah depuis près d’un an maintenant. Israël doit donc examiner cette situation et essayer de trouver un moyen de faire revenir ses habitants dans les communautés du nord. Ce que vous voyez maintenant, c’est une tentative israélienne de repousser le Hezbollah, de convaincre le Hezbollah de mettre fin à cette guerre, de redonner un sentiment de sécurité et de sûreté au nord d’Israël qui permettrait à ces dizaines de milliers de citoyens, déplacés à l’intérieur du pays depuis près d’un an, de finalement rentrer chez eux. Il faudra bien plus que ces explosions et ces infiltrations de communications pour donner aux Israéliens la sécurité dont ils ont besoin pour agir et rentrer chez eux. Mais si Israël est responsable de cette attaque, bien sûr, il n'a pas assumé la responsabilité de cette attaque contre les appareils de communication des membres du Hezbollah au Liban. Mais si Israël est responsable, cela correspond à cet objectif d'affaiblir le Hezbollah pour qu'il devienne l'organisation terroriste, l'organisation terroriste libanaise étant moins prête au combat et permettant à ses habitants du nord de rentrer chez eux.
REICHARD : Parlons maintenant de la tactique utilisée. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme cherche à savoir si Israël a franchi la ligne avec ces attaques… et Enia, nous avons des lois internationales sur la guerre, les protocoles de la Convention de Genève. Comment ces actions s’appliquent-elles à la Convention de Genève ?
KRIVINE : La Convention de Genève ne contient aucune disposition concernant l'utilisation potentielle d'un appareil de communication qui pourrait être utilisé contre une organisation terroriste désignée. Nous nous trouvons donc dans une situation sans précédent et je laisserai aux avocats internationaux le soin de plaider cette affaire. Mais nous avons constaté que le nord d'Israël est attaqué presque quotidiennement par une organisation terroriste désignée au Liban. Le Hezbollah a sur les mains le sang de centaines d'Israéliens, qui ont participé à ce conflit et à des conflits précédents, sans parler du sang de centaines d'Américains. Alors, face à cette menace terroriste, Israël essaie de trouver un moyen de rétablir sa souveraineté, sa sécurité et sa sûreté dans les régions du nord, et je me dis que s'il s'agissait d'une attaque israélienne, il n'y a probablement pas de munition plus précise que de placer un petit engin explosif dans les poches de ces membres terroristes, sur leur personne, en gros. Donc, encore une fois, c'est quelque chose qui sera certainement discuté et plaidé avec des avocats internationaux, mais il me semble que c'est la réponse la plus précise que l'on puisse obtenir à 11 mois de bombardements.
REICHARD : Enia, nous avons entendu des rapports contradictoires sur ce qu'Israël a dit aux États-Unis concernant ses plans d'attaque et sur le moment où il l'a fait. Pensez-vous que cela changera le soutien des États-Unis à Israël ?
KRIVINE : Les États-Unis ont une longue histoire avec le Hezbollah. Au début des années 1980, l’organisation terroriste libanaise qui a précédé le Hezbollah a tué 200 des 240 Marines américains dans le sud du Liban. Ce n’est donc pas une organisation que les États-Unis et le gouvernement vont tenter de défendre. Le Hezbollah est une organisation terroriste, comme le décrivent les États-Unis et les pays occidentaux. C’est une organisation qui cible spécifiquement les civils qui ont beaucoup de sang américain, israélien et même juif sur les mains, provenant de nombreux endroits différents. Je suis donc sûr que l’Amérique veut le calme. Je sais que Washington ne veut pas d’escalade dans le nord. Mais ce que je pense, c'est que les gens à Washington essaient probablement en ce moment d'examiner les résultats, de voir à quel point ces attaques étaient précises, de voir quels ont été les dommages collatéraux, et je suppose que si c'était le cas, c'est aussi précis que cela en a l'air, et si cela doit dissuader le Hezbollah de cette escalade continue qu'il intensifie quotidiennement et hebdomadairement avec Israël, alors il est dans l'intérêt des États-Unis d'essayer de dissuader à quoi ressemblerait une guerre totale et à grande échelle, et la catastrophe humanitaire qu'elle pourrait impliquer.
REICHARD : Enia Krivine, directrice principale de la Fondation pour la défense des démocraties. Merci beaucoup.
KRIVINE : Merci beaucoup.