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Israël au bord du gouffre | MONDE

Depuis quelques temps, à chaque fois que les Américains accordent moins d’attention au Moyen-Orient, la région revient à la une des journaux. C’est encore le cas avec l’attaque du Hezbollah contre Israël le week-end dernier. L’organisation terroriste parrainée par l’Iran et basée au sud du Liban a lancé une attaque à la roquette sur le village de Majdal Shams, sur les hauteurs du Golan, tuant au moins 12 enfants et adolescents. La plupart des victimes, sinon toutes, étaient des Druzes arabes, une minorité issue de l’islam concentrée au Liban, en Syrie et en Israël (ce qui rappelle qu’Israël est à la fois un État juif et une démocratie pluraliste, dont les minorités ethniques et religieuses jouissent de plus de droits que dans de nombreux autres pays de la région). Israël a immédiatement riposté en bombardant à plusieurs reprises des cibles du Hezbollah au Liban, notamment des bases, des dépôts de munitions et des batteries de roquettes.

Le meurtre de jeunes civils par le Hezbollah est déjà assez horrible. La possibilité d’une guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah est encore pire. C’est une perspective qui inquiète beaucoup de professionnels de la sécurité nationale aux États-Unis et en Israël. Une telle guerre entraînerait des destructions catastrophiques en Israël et au Liban, et risquerait également de dégénérer en une guerre régionale impliquant l’Iran, principal soutien du Hezbollah et principal ennemi d’Israël.

Cependant, la plupart des dirigeants israéliens savent qu’ils ne peuvent pas laisser le Hezbollah continuer à menacer Israël. L’Iran a doté le Hezbollah de plus de 200 000 roquettes perfectionnées et de milliers de drones et de missiles guidés. Cet arsenal pourrait submerger les systèmes de défense antimissile et antiroquettes d’Israël, détruire une grande partie de ses infrastructures et tuer des dizaines de milliers d’Israéliens. Comme signe avant-coureur de ces menaces, le Hezbollah a lancé presque quotidiennement ces derniers mois de petites salves de roquettes sur le territoire israélien, forçant plus de 100 000 Israéliens à fuir leurs foyers.

Lorsque j’ai parlé avec des responsables israéliens et des experts en sécurité et que je leur ai demandé s’il était possible de déclencher une guerre avec le Hezbollah, la réponse qu’ils m’ont presque tous donnée n’est ni oui ni non, mais plutôt « pas encore ». Ce qu’ils veulent dire, c’est que depuis les attaques surprises du Hamas du 7 octobre 2023, la tolérance au risque d’Israël a changé. L’État juif se rend compte maintenant qu’il ne peut pas accepter de laisser exister à sa frontière un groupe terroriste qui a juré de détruire Israël avec un arsenal redoutable visant chaque grand centre de population. Il est résolu à traiter avec le Hezbollah.

Il reste cependant la guerre de Gaza à mener. La principale raison pour laquelle Israël refuse de combattre le Hezbollah est le désir d'éviter deux guerres à la fois. La campagne israélienne en cours pour vaincre le Hamas et libérer les otages encore détenus à Gaza est la priorité la plus urgente. Hassan Nasrallah, le chef diabolique du Hezbollah, en est conscient et en profite.

En encourageant les attaques du Hezbollah, l'Iran montre peut-être qu'il est prêt à risquer une guerre pour avoir l'occasion de nuire à Israël. Téhéran voit aussi que le plus grand ami d'Israël, les États-Unis, est distrait par une saison politique tumultueuse et un président affaibli.

Un colonel des Forces de défense israéliennes en poste sur le plateau du Golan a récemment décrit le défi posé à Israël comme le « trilemme » suivant : le Hezbollah ne cessera pas de lancer des roquettes sur Israël tant que l’armée israélienne ne cessera pas de combattre le Hamas à Gaza, l’armée israélienne ne cessera pas de combattre à Gaza tant qu’elle n’aura pas libéré tous les otages détenus par le Hamas, et le Hamas ne libérera pas les otages tant que le Hezbollah continuera de le soutenir en frappant Israël.

C’est pourquoi la plupart des Israéliens, y compris le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont jusqu’à présent évité la guerre avec le Hezbollah. Netanyahu est prudent par nature. Il semble avoir calibré les frappes de représailles d’Israël jusqu’à présent pour dissuader le Hezbollah tout en évitant une nouvelle escalade. Lui et son cabinet cherchent d’abord à libérer les otages et à mettre fin à la guerre à Gaza. Israël a également besoin d’un répit dans les combats. L’armée israélienne veut du temps pour reposer ses troupes épuisées par des mois de durs combats à Gaza, intégrer les leçons tirées de la guerre urbaine dans sa doctrine et ses plans, et réapprovisionner son équipement et ses munitions épuisés.

L'Iran pourrait toutefois avoir d'autres plans. Les guerres surviennent rarement au bon moment pour le défenseur. En encourageant les attaques du Hezbollah, l'Iran montre peut-être qu'il est prêt à risquer la guerre pour avoir une chance de nuire à Israël. Téhéran voit également que le plus grand ami d'Israël, les États-Unis, est distrait par une saison politique tumultueuse et un président affaibli.

Depuis sa naissance en 1948, Israël a toujours existé dans un voisinage hostile. Le fait d’être entouré de menaces n’est pas nouveau pour Jérusalem. Ce qui est nouveau, c’est le nombre et la complexité de ces menaces. Comme l’observe Jonathan Schanzer, expert du Moyen-Orient, Israël est actuellement confronté à une guerre contre Israël. Sept Outre l’Iran lui-même, « les forces mandatées par l’Iran à Gaza, au Liban, en Cisjordanie, en Syrie, en Irak et au Yémen » forment ce qu’il appelle un « anneau de feu » entourant Israël.

Cet anneau de feu place Israël devant de nombreux choix difficiles. Il faut espérer qu'Israël pourra faire ces choix en étant assuré du soutien indéfectible des États-Unis.